Rechercher dans ce blog

jeudi 13 janvier 2011

12 janvier 2010: l’opportunité pour construire un avenir meilleur

Déclaration des Jésuites d’Haïti et de leurs collaborateurs (trices) et amis (es) à l’occasion de la clôture des journées de prière et de réflexion pour la commémoration du tremblement de terre du 12 janvier 2010

A nos frères et sœurs Haïtiens et Haïtiennes qui vivent à l’intérieur du pays et à l’étranger.

A nos frères et sœurs du monde entier, spécialement à ceux qui se sont solidarisés et qui se solidarisent encore avec nous à l’occasion de ce drame
Aux Responsables politiques (Président de la République, Candidats à la Présidence, Ministres, Secrétaires d’État, Directeurs généraux, Parlementaires, Maires et à tous les autres responsables de l’État).

Aux responsables des Représentations diplomatiques, des Institutions multilatérales, bilatérales, des ONGs internationales.

Aux Responsables religieux de toutes les confessions
A ceux qui détiennent le pouvoir économique dans notre pays et dans le monde
A nos frères et sœurs, responsables et membres des organisations qui luttent pour une nouvelle Haïti et pour un monde plus juste
Etc.

Nous, les jésuites d’Haïti, nos collaborateurs et amis, nous nous sommes réunis depuis le dimanche 9 janvier au Centre jésuite Pedro Arrupe à Tabarrre 10 pour prier, communier avec tous ceux qui nous ont laissés et avec ceux qui d’une manière ou d’une autre souffrent encore plus directement des conséquences du drame du 12 janvier. Nous avons également réfléchi sur l’impact et les conséquences du séisme sur notre pays, sur les défis qui se présentent à nous aujourd’hui, sur notre responsabilité individuelle et collective dans la refondation de notre nation etc.

Cet événement a frappé Haïti en plein cœur. Nous connaissons déjà les dommages :
- Plus de 300.000 mille Haïtiennes et Haïtiens ont perdu leur vie
- Plus de deux millions de blessés, d’amputés, de déplacés
- 1.5 millions de personnes vivent dans des abris de fortune et des tentes dans des conditions inhumaines
- La destruction d’une grande partie des infrastructures religieuses, politiques, économiques, sociales (éducation, santé) de la capitale et des départements de l’Ouest et du sud-est; avec des retombées sur l’ensemble du pays
- Toute la nation en sort traumatisée

Les conséquences sont énormes pour notre pays :
- La paralysie d’une économie déjà moribonde
- L’effondrement des structures déjà inopérantes de l’État
- Le dysfonctionnement de nos institutions économiques, sociales, religieuses
- L’augmentation des flux migratoires vers les pays voisins
- Le chômage et le désespoir surtout chez nos jeunes
- La montée de la pauvreté, spécialement chez les classes populaires et la classe moyenne.
- Nos maux séculaires : l’exclusion sociale, la misère, l’ignorance, etc., se sont aggravés.

Ce drame n’est nullement une malédiction de Dieu, ni le châtiment du Très-Haut pour les péchés individuels et collectifs des Haïtiens et Haïtiennes. Car notre Dieu, le Dieu des Chrétiens, est essentiellement le Dieu de la Vie, le Dieu Libérateur, plein de Tendresse et de Miséricorde. Le Dieu qui respecte la liberté des hommes et des femmes qu’Il a créés. Ce drame est certes en partie la conséquence de la situation biogéographique de notre pays; mais il est surtout le résultat de l’irresponsabilité et de la négligence séculaires des responsables de l’État, de l’égoïsme de nos élites, du manque de conscience citoyenne de nous tous.

Certes, il nous faut pleurer nos morts, communier avec eux, nous solidariser avec ceux qui souffrent, nous donner la main dans le malheur! Mais il nous faut surtout en tant que peuple saisir cette opportunité pour grandir, chercher les voies qui nous mènent à la construction d’une terre haïtienne nouvelle, aux dimensions des luttes de nos ancêtres, de nos espoirs et de nos rêves aujourd’hui.

Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 ne doit pas et ne peut pas sonner le glas de notre nation, au contraire c’est l’opportunité qui nous est offerte pour construire enfin un avenir meilleur. Pour cela, en ce jour où nous commémorons ce drame, nous invitons solennellement :

 Nos frères et sœurs Haïtiens et Haïtiennes qui vivent à l’intérieur du pays et à l’étranger à renforcer leur conscience citoyenne et à inventer des mécanismes efficaces en vue de construire une nouvelle Haïti.

 Nos frères et sœurs du monde entier, à continuer la mobilisation pour aider Haïti, dans le respect et au moyen d’une solidarité sincère, à sortir de l’impasse et à créer une nation libre, prospère, vivant enfin dans la dignité.

 Les Responsables politiques (Président de la République, Candidats à la Présidence, Ministres, Secrétaires d’État, Directeurs généraux, Parlementaires, Maires et tous les autres responsables de l’État) à mettre de côté les intérêts personnels pour défendre enfin les intérêts supérieurs de notre pays, à créer un État fort, souverain, au service de la Nation, garant du développement socio-économique, de l’inclusion de tous les fils et de toutes les filles de cette terre.

 Les responsables des Représentations diplomatiques, des Institutions multilatérales, bilatérales, des ONGs internationales à dépasser les mécanismes classiques de la coopération internationale qui n’ont généré que sous-développement et plus de pauvreté, pour développer enfin, dans la justice, le respect et la dignité, une coopération sincère et féconde, qui aide réellement Haïti.

 Les Responsables religieux de toutes les confessions, à travailler ensemble, au-delà de leurs différences, au service de l’homme haïtien; à aider cet homme à se mettre debout, à vivre dans la liberté et la dignité, selon la volonté de notre Dieu. «La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant», disait Saint Augustin.

 Tous ceux qui détiennent le pouvoir économique dans notre pays et dans le monde, à prendre conscience de leur grande responsabilité dans le développement d’Haïti, à chercher à apporter une contribution sincère, réelle et significative dans la recherche de solutions appropriées aux graves problèmes socio-économique de ce pays.

 A nos frères et sœurs, responsables et membres des organisations qui luttent pour une nouvelle Haïti et pour un monde plus juste, à continuer la lutte, à travailler ensemble, main dans la main, pour construire une société civile haïtienne forte, seule garante de la démocratie et du progrès dans notre pays.

Que vive Haïti! Que renaisse enfin notre pays!

Les Jésuites d’Haïti, Port-au-Prince, 12 Janvier 2011