Rechercher dans ce blog

mercredi 17 février 2010

Le rôle de la société civile haïtienne dans la reconstruction du pays aujourd’hui

Rapport No. 3

Le thème central qui a guidé les réflexions au cours de la séance de travail le 7 février dernier est bien le suivant:« Le rôle de la société civile haïtienne dans la reconstruction du pays aujourd’hui». Pour bien comprendre le rôle que la société civile haïtienne est appelée à jouer aujourd’hui dans la reconstruction d’Haïti, nous avons jugé bon de partir d’une définition simple du concept de «société civile». Cette démarche méthodologique vise à faciliter les échanges, à se centrer sur le thème principal et empêcher ainsi les participants de se perdre dans des débats théoriques interminables; vu qu’un grand nombre de politologues, sociologues et philosophes ont déjà réfléchi sur ce thème et laissé une production théorique considérable.

I.- Autour du concept de «société civile»

La société civile c’est quoi? La société civile représente, à l’intérieur d’une formation sociale donnée, l’ensemble des entités, individuelles et collectives qui, en dehors de la sphère spécifiquement politique (État et partis) et sans aucune prétention de prendre et d’exercer le pouvoir, tentent de faire valoir leur vision du monde, leurs intérêts etc., de proposer ou d’apporter des solutions à des problèmes spécifiques. Ces problèmes peuvent concerner un groupe particulier, une région ou l’ensemble d’une collectivité. La société civile se pose ainsi en principale interlocutrice de l’État dans la lutte pour le respect du droit, la défense des intérêts individuels et collectifs. Dans cette perspective, elle a un rôle-clé dans le fonctionnement des démocraties modernes, la sauvegarde et le renforcement du bien commun, dans la construction nationale. Elle est aussi le principal rempart contre l’arbitraire des gouvernants. Il est nécessaire de souligner également que la société civile est loin d’être une totalité homogène, harmonieuse et sans conflits; elle est traversée par des courants idéologiques divers, par des luttes d’intérêts entre groupes ou individus, par de multiples contradictions. Plus les citoyens sont formés et conscients de leurs droits et devoirs, plus la société civile est organisée, mieux elle peut jouer son rôle de contrôle de l’État, influencer les décisions politiques, participer de façon responsable à l’élaboration et la mise en œuvres des politiques publiques.

Des principales composantes de la société civile haïtienne aujourd’hui.

Il est nécessaire d’identifier les différentes composantes de la société civile haïtienne aujourd’hui, la situation réelle de chacune d’elles et préciser le rôle qu’elles peuvent jouer individuelle et collectivement dans le processus de reconstruction du pays. Ce qui est impossible dans le cadre de cette réflexion. Nous nous limiterons à les énumérer et à émettre des considérations seulement sur quelques-unes d’entre elles qui nous paraissent incontournables. Les principales entités collectives qui forment la société civile haïtienne se présentent aujourd’hui comme suit : les associations communautaires rurales et urbaines, les syndicats, les groupements religieux, socioprofessionnels, les organisations de charité, les organisations non gouvernementales, les groupes de défense des droits des femmes, les associations patronales, les organismes de défense des droits humains en général etc.

II.- Société civile haïtienne et reconstruction nationale aujourd’hui

Quel doit être le rôle de chacune de ces principales composantes de la société civile haïtienne dans un projet de reconstruction de la nation aujourd’hui? La principale cause de l’échec des plans antérieurs réside dans le fait qu’ils ont été toujours élaborés en vase clos, dans les bureaux des experts, en dehors de toute participation effective des principaux concernés. Nous devons partir aujourd’hui d’une approche participative. Compte tenu des contradictions inhérentes à la vie sociale, tel que nous venons de le mentionner, il est difficile d’élaborer et de mettre en œuvre un projet de société qui concilie les intérêts de tous. Il s’agit, dans le cadre de notre réflexion, d’envisager les grandes lignes d’un projet susceptible de créer un large consensus entre les principaux acteurs, d’aboutir à un équilibre social qui garantisse à la fois le bien-être collectif et les intérêts légitimes de chacun. Ce projet doit s’inspirer de notre patrimoine historique et culturel, des principes fondateurs de la nationalité haïtienne cristallisés notamment dans la Charte Fondamentale du pays, en l’occurrence la Constitution de 1987 de la République d’Haïti.

Chacune des entités citées ci-devant a une contribution spécifique à apporter. Les associations communautaires ont un rôle-clé à jouer. Il faut certes distinguer les véritables associations communautaires, des «Organisations Populaires» et des «base» qui sont des organisations souvent criminelles et au service exclusif de secteurs politiques déterminés; des «association-bidon» qui émergent de toute part pour défendre des intérêts individuels mesquins de leaders opportunistes, sans aucune insertion réelle dans la société. Les associations communautaires haïtiennes, en grande majorité, sont fragiles; elles sont très peu structurées et exposées continuellement à la manipulation, à cause de la situation de grande pauvreté de leurs leaders et de leurs membres; elles ont très peu de capacité à s’insérer dans des réseaux locaux, régionaux et nationaux etc. Mais leur force vient surtout de leur proximité avec la population. Très actives dans les milieux suburbain et rural, elles représentent les principaux mécanismes de survie pour une grande partie de la population pauvre; elles expriment ses aspirations, sa culture, ses multiples formes de résistance sociale, économique, politique etc. Depuis 1986, ces associations ont joué un rôle très important sur la cène sociale et politique. Aucune véritable reconstruction du pays ne peut se faire sans leur participation effective. Elles sont même garantes de la réussite de tout vrai projet de société en Haïti aujourd’hui. Jusqu’à présent elles sont absentes dans les différentes interventions d’urgence et certainement exclues des les processus de prise de décisions tant au niveau du gouvernement haïtien que dans les organisations internationales et les organisations non gouvernementales haïtiennes et étrangères.

Les organisations patronales haïtiennes suscitent suspicion et interrogations chez de nombreux secteurs de la société haïtienne. On se pose des questions sur le rôle des différentes fractions de la bourgeoisie haïtienne dans le drame du peuple haïtien, avant même le séisme du 12 janvier. On n’est pas certain qu’il existe, chez un grand nombre d’entre elles, une réelle volonté de s’engager dans un mouvement de refondation nationale et de changer ainsi le statu quo dont elles sont les principaux bénéficiaires. Certaines se sont opposées à la présence en Haïti d’investisseurs étrangers. Ce qui menacerait de mettre fin à leurs monopoles. Elles n’ont pas pu mettre en place des entreprises modernes, préférant la contrebande, la corruption des fonctionnaires et les connivences politiques etc. Elles ont été peu enclines à créer des œuvres sociales significatives qui pourraient pourtant améliorer leur image sociale et bénéficier des secteurs importants d’une population aux prises avec les pires problèmes sociaux. Par contre, ils restent des acteurs incontournables dans tout effort national de reconstruction du pays. Il est urgent de les convaincre qu’une modernisation de l’économie et de la société haïtienne en général ne nuirait nullement à leurs intérêts et qu’au contraire ils en sortiraient les principaux gagnants. Il est indispensable qu’ils jouent un rôle positif dans ce processus de reconstruction, de participer à l’effort collectif en faisant montre de plus d’ouverture à la modernité et à l’investissement étranger, en créant davantage d’entreprises modernes et d’œuvres sociales etc.

Quant aux syndicats, le rachitisme des secteurs secondaire et tertiaire en Haïti, avec un nombre très réduit d’industries modernes et confinées presque exclusivement dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, explique le très faible développement du mouvement syndical en Haïti. Nos syndicats restent très peu structurés et ne répondent pas toujours aux normes modernes. Par ailleurs, ils sont très manipulables politiquement. Leur image est ternie par les pratiques de clientélisme, de corruption et de connivence politique. Il est nécessaire de les restructurer, car ils sont appelés à jouer un rôle important dans la défense des droits des travailleurs et dans la nouvelle Haïti que nous voulons construire.

III.- Vers la proposition des grandes lignes d’un projet de société

Selon des informations fiables dont nous disposons, le gouvernement haïtien est invité à présenter un projet de reconstruction du pays d’ici le mois d’avril. Il est urgent pour notre cellule d’action et de réflexion d’agir vite. Il nous faudra présenter, dans les meilleurs délais, les grandes lignes d’un projet de reconstruction et faire de l’incidence politique pour que les principales instances de décision -Gouvernement haïtien, l’ONU et les organisations internationales, les gouvernements occidentaux (le G8)- en tiennent compte. Une petite commission de 5 membres a été choisie pour élaborer cette proposition. Le document de la commission sera enrichi au cours de notre séance de travail hebdomadaire, le dimanche 14 février prochain. Ce document enrichi et approuvé sera envoyé aux principales instances citées plus haut et présenté aux médias au cours d’une conférence-débat qui aura lieu le dimanche 21 février sur la cour des Sœurs Missionnaires du Christ-Roi à Tabarre 10.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire